© 2015 OceanTeam – Crédits Photos : Marc Lamey, Romain Dona
Lorsque les technologies s’invitent dans la mode on s’interroge forcément sur l’impact environnemental que cela va générer. Un certain nombre de créateurs associent la mode et la technologie. Impression 3D, textiles intelligents, incrustation de leds pour vêtements interactifs ou fibres optiques – les exemples ne manquent pas. Sans compter que l’utilisation du numérique est indispensable pour faire les sites, blogs qui transmettent les informations aux communautés et clients, tout comme les plateformes collaboratives pour mettre les trouvailles en open source, co-créer, partager les vestiaires, louer, vendre, échanger, etc…. Il n’empêche que la technologie est souvent associée à l’utilisation de matériaux « sales » qui ne sont ni bio sourcés, ni recyclables. Pourtant les acteurs de cette mode sont très préoccupés par le développement durable et la protection de la planète.
Comment ces deux intérêts s’accordent-ils ?
Nous sommes allés à la rencontre d’Alice Gras cofondatrice de la Fashiontech [1] et fondatrice de Hall Couture[2] et pour lui poser la question et avoir son éclairage.
Sa réponse est limpide : « A quoi sert la technologie si elle n’aide pas à mieux vivre et mieux vivre c’est aussi évoluer dans un environnement dont on prend soin. On peut dire que c’est cet état d’esprit et cette sensibilité qui anime les créateurs de la Fashiontech. Il est tout à fait logique de vouloir que la technologie respecte aussi l’environnement et il est indispensable que les deux sujets se retrouvent sur un terrain d’entente. Il est préférable que les nouvelles technologiques soient en conformité avec notre biotope car la nature est notre première ressource ».
Il est vrai, poursuit-elle, qu’il n’est pas toujours évident de satisfaire les acteurs de la mode tech et ceux de la mode durable. Certains, qui travaillent avec les nouvelles technologies, sont très orienté business : mettre sur le marché des nouveaux produits qui répondent à des attentes et chercher à obtenir, à très court terme, le plus de gains possibles avec cela. Le potentiel est fort dans le domaine de la santé, du quantified self et du sport par exemple. Pour d’autres, qui ont avec une vision des choses différente, s’intéresser à l’avenir en général les conduit à se pencher sur les nouvelles technologies tout en étant attentif au futur de notre planète. Pour ceux-là respecter l’environnement s’impose comme une contrainte qui permet de fait avancer les choses – et leur recherches – et de s’assurer un avenir plus heureux.
La technologie elle-même peut répondre à des problématiques d’ordre environnemental. Citons l‘exemple des chemises antitaches et anti-transpirantes (Le Lab[3]) qui nécessitent moins de lavages. Dans le procédé de fabrication, le fil et la façon de tisser font que la tache ne pénètre pas la fibre mais glisse dessus.
Une autre voie consiste à penser à la fin de vie du produit dès sa conception et à rechercher la meilleure façon de le recycler pour réduire l’impact écologique.
L’idée est bien de mettre la technologie au service d’une mode plus verte.
On peut aussi citer Ocean Dress[4] qui est un projet du Textilab[5] . Il s’agit d’une robe équipée d’un panneau solaire et de leds qui produisent de la lumière. Ceux-ci sont cousus sous la jupe, elle-même composée d’un filet de pêche sur lequel des sachets plastiques ont été tissés. Cela permet d’aborder le thème de la préservation des océans et du recyclage des déchets de façon poétique.
Concernant les composants électroniques, il y a des recherches de solutions moins polluantes. On commence à entendre parler de composants conçus de manière écologique sur la base d’une matière organique. Une lumière créée avec des bactéries est aussi à l’étude par l’une des startups occupante de la Paillasse[6] : Glowee . Ces projets demandent du temps mais témoignent d’une intention bien réelle et d’un processus engagé.
Pour Arielle Levy, cofondatrice du magasin de mode écoresponsable « L’herbe rouge » qui a accueilli lors des Journées Européennes des Métiers d’Art plusieurs jeunes créateurs dans sa boutique du Viaduc des Arts, la communauté de la Fashiontech crée des liens et partage des valeurs : celles d’une conception de la mode en phase avec les enjeux contemporains.
La mode de l’innovation est collective, elle fait travailler ensemble des chercheurs, des designers, des artisans, des informaticiens, etc ….qui veulent tous être dans une mode qui leur donne du sens et qui est en phase avec la société dans laquelle ils vivent.
Ainsi ils privilégient les circuits courts pour limiter les transports, l’éthique qui replace celui qui travaille au centre plutôt que l’actionnaire, l’économie circulaire et proposent de consommer moins mais mieux.
Par exemple, selon Claire Eliot, créatrice de mode et cofondatrice de la Fashiontech, si on a dans son armoire une robe dont on peut changer la couleur et se l’approprier en la transformant, il probable que nos actes d’achat seront moins fréquents.
Citons aussi l’initiative intéressante de Fashion Footprint qui à partir du flashage des QR codes apposé sur les étiquettes des vêtements donne accès à l’histoire de la fabrication du produit. Tudo Bom marque de mode éthique aujourd’hui en sommeil, était précurseur en la matière en imprimant sur ses étiquettes le nom de l’atelier de confection du vêtement. Le client retrouvait sur le site web photos et petits mots des couturières qui se trouvaient au Brésil.
Si l’innovation se fait aussi dans la recherche de solutions moins polluantes il est certain qu’un consommateur plus exigeant et aussi plus responsable accompagnera ce mouvement.
[1] La Fashiontech, association de loi 1901 a été créée dans le but de fédérer les acteurs de la mode et des nouvelles technologies dans une perspective de développement durable comme le développement des écosystèmes locaux. Elle compte 60 membres aujourd’hui.
[2] Hall Couture est un espace de travail partagé & concept store dédié à la création de mode innovante & responsable.
[3]Le Lab : une start-up qui fait entrer la mode masculine dans l’ère des nouvelles technologies
[4] http://oceanteam.wix.com/oceandress
[5] TEXTILab est un groupe de recherche et développement dans textile et habillement. Son ambition est de faire des séries de workshop pour amener les gens à une meilleure compréhension du vêtement innovant et ce que cela peut impliquer comme différents savoir-faire.
[6] La Paillasse, est un réseau de laboratoires interdisciplinaires offrant sans discrimination d’âge, de diplôme ou de revenu, le cadre technique, juridique et éthique nécessaire à la mise en œuvre de projets collaboratifs et open-source.